Le sceptre d'or
EAN13
9782280835190
ISBN
978-2-280-83519-0
Éditeur
Harlequin
Date de publication
Collection
Création pour reprise (386)
Dimensions
17 cm
Poids
166 g
Langue
français
Langue d'origine
anglais
Fiches UNIMARC
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Le sceptre d'or

De

Harlequin

Création pour reprise

Indisponible

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Prologue

Abbaye de Wimborne, Wessex, en l'année 871.

— De servir le roi, je fais le serment.

Dans l'abbatiale vieille d'un siècle, l'atmosphère était si pesante qu'elle étouffait sa voix. En lui, autour de lui, tout semblait glacé : son corps, le tombeau de pierre qui contenait les restes de saint Cuthbert, les ombres qui emplissaient l'espace.

Il se fit alors comme une éclaircie. Avec vivacité et détermination, une main se posait à son tour sur le tombeau sculpté et peint, à l'endroit même où venait de s'appuyer la sienne.

— ... Je fais le serment.

L'écho de sa propre voix déchirait les ténèbres, y jetait de la lumière. La formule sacrée retentissait encore, d'autres voix la reprenaient, d'autres mains touchaient la tombe ; mais seule importaient en cet instant sacré la voix et la main de son frère, qui jamais ne s'éloignait de lui.

L'hommage qu'ils rendaient à leur souverain les unissait dans le même destin.

De l'autre côté du tombeau, le prince Alfred, entouré de gardes, trônait sur une estrade. Les flambeaux promenaient des lueurs changeantes sur le visage juvénile et pensif du dernier fils d'Athelwolf, désormais seul maître du royaume.

Je fais le serment. Les voix se succédaient, leur rumeur prenait fin. La foi jurée engageait l'existence entière, par-delà la vie et la mort, par-delà les ombres mystérieuses qui dans les lointains du sanctuaire s'accumulaient, ne laissant dans la lumière que le jeune roi, sous le dragon doré de son étendard.

Jamais un chevalier du Dragon ne rompt son serment.1.

Aux confins de la Mercie. Printemps de
l'année 872.

— Arrête ! Il vit encore !

Le vieux cheval fourbu, rescapé miraculeux d'anciens combats, fit halte si abruptement que Gemma faillit tomber de la charrette.

Elle observa la masse boueuse et dépenaillée qui gisait au bord du chemin. Ce malheureux sortait-il des bois tout proches ? On voyait, au mouvement d'une épaule, sous un haillon de laine, que l'homme respirait spasmodiquement. De la terre et des débris de feuilles et d'herbe poissaient sa cuisse nue.

Gemma sauta avec prestesse sur le sol, spongieux au sortir de l'hiver.

— N'y allez pas, Dame Gemma, n'y touchez pas ! On ne sait pas qui c'est, ni quoi ni qu'est-ce. Un bandit à tous les coups. Méfiez-vous du piège. Il y en a d'autres dans les fourrés, peut-être, qui n'attendent que de vous sauter dessus !

Sourde aux avertissements de son jeune cocher, Gemma se sentait attirée par la forme étendue — son inertie, sa détresse physique et son mystère — comme par une sorte d'enchantement.

Elle continua à s'en approcher.

Il lui sembla soudain que l'atmosphère se figeait, l'enveloppait d'un épais manteau. Elle évoluait ailleurs, loin du chemin de terre, loin du gamin effrayé qui persistait à la rappeler et à la mettre en garde. Cette voix familière, cette route si souvent parcourue lui étaient devenues étrangères. Rien n'existait plus que ce corps à l'orée de la forêt, en partie caché par la végétation à laquelle il paraissait appartenir.

Rien que cet homme, et la prescience d'un danger.

Ses socques ne faisaient aucun bruit sur l'herbe humide, qui se froissait en silence. Gemma s'agenouilla sur la fougère détrempée.

L'homme offrait un spectacle si affreux qu'elle en eut la gorge serrée. A la boue qui le souillait se mêlait du sang, en telle abondance ! Sur sa peau et sur ses hardes, du sang séché, pourpre ou tout à fait noir ; sur sa cuisse, son visage et ses mains, du sang frais encore et sourdant un peu, comme si l'infortuné venait de ramper à travers des ronces. Il semblait figé dans l'action, pétrifié en plein mouvement. C'est cette impression de mouvement qui avait retenu l'attention de Gemma, en même temps que la pâleur de la peau, là où la glaise et le sang ne l'assombrissaient pas.

Son mouvement s'était définitivement interrompu, selon toute apparence. Sa cuisse dénudée, impressionnante de longueur et de force, s'était sans doute frottée à la fougère, qui l'avait d'une certaine façon nettoyée. On y distinguait nettement une ligne noire, rougie de sang par endroits. On pouvait penser à une estafilade laissée par une épée. Résolument ennemie de la guerre, Gemma serra les poings.

Cet homme ne correspondait en aucune façon à l'idée qu'elle s'en était faite en l'apercevant. Elle s'était attendue à découvrir l'un de ces pauvres hères faméliques qui en ces temps troublés tentaient de trouver leur pitance en suivant les hordes de Vikings, avides de conquêtes, qui depuis des mois ravageaient la Mercie ; mais des muscles d'un tel galbe et d'un tel volume impliquaient une nourriture abondante. Cet homme n'était ni un vagabond ni la victime de quelque détrousseur. Il venait de livrer combat, Gemma en avait la certitude. Les Vikings avaient très récemment fêté leur victoire lors d'une embuscade tendue à la limite du Wessex, le royaume voisin, tout proche. Leurs clameurs bestiales de barbares ivres résonnaient encore à ses oreilles.
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